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Considérations Historiques
Deux des inquisiteurs les plus zélés, frère Guillaume-Arnaud et frère Étienne se trouvent à Avignonet, dans le Lauragais, afin de poursuivre leur mission avec leur équipe. Raimond d'Alfaro, le bailli de cette petite cité, décide d'en finir avec eux et demande de l'aide aux « résistants » de Montségur afin de les détruire. Cette nuit du 28 mai 1242 va être terrible, et va se conclure par le massacre de toute l'équipe des inquisiteurs. C'est un épisode très important de la guerre albigeoise et de l'inquisition qui va encore se poursuivre pendant longtemps dans ce pays.
Ces deux inquisiteurs étaient frère Guillaume-Arnaud, qu'on dit natif de Montpellier, de l'ordre des frères prêcheurs, et frère Étienne de Narbonne, ou selon d'autres, de Saint-Thibéry, de celui des Mineurs. Ils avaient associé à leurs fonctions Raimond, surnommé l'Écrivain (Scriptor), qu'on nommait aussi de Costiran, chanoine régulier de la cathédrale de Toulouse et archidiacre de Lézat ou de Villelongue, selon son épitaphe, et le prieur d'Avignonet, religieux bénédictin de l'abbaye de Cluse, dans le Piémont, et non pas religieux d'un prétendu monastère de Cluse, dépendant de l'abbaye de Saint-Papoul, comme quelques-uns l'ont avancé. Ces quatre inquisiteurs s'étant rendus à Avignonet, château situé dans le Lauragais, furent logés dean le palais ou maison que le comte de Toulouse aveit dans ce lieu ; ils s'occupaient avec beaucoup de vivacité à poursuivre les hérétiques du pays, lorsque Raimond d'Alfaro, bailli d'Avignonet pour le comte, ayant conspiré leur mort, envoya chercher du secours au château de Montségur, dont Pierre-Roger de Mirepoix était seigneur, et qui servait d'asile aux proscrits et aux sectaires. Aussitôt Pierre-Roger assemble sa garnison et, ayant proposé à ceux qui la composaient d'entreprendre une expédition qui leur serait avantageuse, il se met à la tête d'un certain nombre de chevaliers et de sergents ou fantassins, se rend dans la forêt de Gaiac [1], située au voisigage d'Avignonet, et y fait faire halte à ses troupes. Un renfort de Gaiac l'étant venu joindre en cet endroit, il fait marcher devant douze soldats armés de haches et les suit avec le reste de ses gens. Il arrive ainsi à la maison des lépreux, située hors d'Avignonet, où on vient l'avertir sur le soir que les inquisiteurs allaient se coucher ; il est introduit ensuite dans le château durant la nuit, la veille de l'Ascension 28 de mai de l'an 1242. Ceux qui étaient armés de haches se joignent alors à quelques habitants d'Avignonet, armés aussi de haches et de bâtons, et Raimond d'Alfaro s'étant mis à leur tête, ils vont ensemble à l'appartement des inquisiteurs, brisent les portes de la salle où ils étaient couchés, et massacrent impitoyablement frère Guillaume-Arnaud, à qui ils en voulaient principalement à cause de sa fermeté, frère Étienne, l'archidiacre de Lézat, le prieur d'Avignonet, frères Bernard de Roquefort et Garsias d'Aure, de l'ordre des frères prêcheurs, compagnons de frère Guillaume-Arnaud, frère Raimond Carbonerii, de l'ordre des frères mineurs, compagnon de frère ÉtienneBernard, clerc de l'archidiacre de Lézat, Pierre-Arnaud, notaire ou greffier de l'inquisition, Fortanier et Adémar, nonces ou appariteurs de ce tribunal, lesquels se laissèrent tous égorger sans se défendre, et en chantant le Te Deum ; on pilla ensuite leurs meubles et leurs papiers. On assure que Raimond d'Alfaro, qui était revêtu d'un pourpoint blanc, se vanta d'avoir frappé le premier les inquisiteurs avec une massue de bois, que les deux nonces ou domestiques des inquisiteurs étant montés au bruit pour donner du secours à leurs maîtres, furent tués et jetés par les fenêtres ; qu'un des assassins coupa la langue de frère Guillaume-Arnaud, et que Raimond d'Alfaro, étant venu joindre ensuite aux flambeaux le reste de la troupe, il leur raconta la manière dont les choses s'étaient passées et les congédia. Enfin on ajoute que Raimond d'Alfaro avait si bien pris ses mesures que si le dessein qu'il avait de surprendre les inquisiteurs dans leur lit eût manqué, il se serait infailliblement saisi de leurs personnes entre Castelnaudary et Saint Martin, où il leur avait dressé des embûches. Telles sont les circonstances de cette scène tragique, tirées pour la plupart des registres de l'inquisition de Carcassonne et attestées par ceux qui étaient présents. L'un d'eux témoigne qu'après le meurtre les assassins emportèrent les habits, les hardes et les papiers des inquisiteurs ; qu'ils furent tués l'un d'un coup de flèche, l'autre d'un coup de hache, un troisième d'un coup de lance, et un quatrième d'un coup de couteau ; que Pierre-Roger de Mirepoix reprocha aux meurtriers de ne lui avoir pas apporté le crâne de frère Guillaume-Arnaud, dont il voulait faire une tasse pour boire, etc.
Les frères prêcheurs et mineurs enlevèrent les corps de leurs confrères qu'ils inhumèrent à Toulouse, dans les églises de leur ordre, où on voit encore aujourd'hui leurs tombeaux avec leurs épitaphes, et où on les révère comme martyrs, sans leur rendre cependant un culte public. Quant à l'archidiacre de Lézat et à son clerc, ils furent inhumés dans le cloître de la cathédrale de Saint-Étienne de Toulouse, d'où on les transféra, vers l'an 1643, dans l'église, avec leurs épitaphes. Quelques auteurs ont prétendu que les conjurés, après avoir dépouillé les inquisiteurs, leur firent souffrir divers tourments ; qu'ils firent découler sur leurs membres du plomb fondu, de la poix et de la résine bouillantes ; mais ces circonstances sont fabuleuses et contraires à la déposition d'un témoin oculaire, de qui nous tenons la véritable relation de leur mort. Au reste, Raimond l'Écrivain, archidiacre de Toulouse, l'un de ceux qui furent massacrés, s'était distingué par son talent pour la poésie provençale, et on conserve encore quelques poèmes ou chansons de sa façon.
Cet attentat, quoique commis à l'insu et pendant l'absence du comte de Toulouse, fit beaucoup de tort à ce prince, et ses ennemis ne manquèrent pas d'en profiter pour décrier de plus en plus sa conduite. Quelques-uns même de ses alliés se servirent de ce prétexte pour rompre la ligue qu'ils avaient formée avec lui contre le roi, et faire leur paix. Comme le siège de Rome était alors vacant, les cardinaux écrivirent au provincial et aux frères prêcheurs de Provence pour les consoler. Ils marquent dans leur lettre, qu'ils croient que ceux qui avaient répandu leur sang dans cette occasion étaient martyrs de Jésus-Chris, à cause du genre de mort qu'ils avaient souffert et des autres circonstances. Frère Ferrier et les autres inquisiteurs de Carcassonne dénoncèrent aussitôt excommuniés tous les assassins, et enjoignirent au comte de Toulouse de les poursuivre, sous peine d'être compris lui-même dans l'anathème.
Note :
[1] Corrigez Gaja la Selve (Aude), arrondissement de Castelnaudary, canton de Fanjeaux le lieu de Gaiac est absolument inconnu [A.M.]
 
La cathédrale Sainte Cécile a été inscrite au patrimoine mondial de l'humanité le 31 juillet 2010
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