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Quelques Histoires au hasard
Considérations Historiques
Où l'on voit qu'à l'époque, ça ne rigolait pas avec l'honneur ! Mais en fait, il faut certainement réfléchir un peu plus et se demander pourquoi ? Dom Vaissete nous raconte l'histoire de cet assassinat avec toutes les informations dont il peut disposer, et il faut dire qu'aujourd'hui encore (en 2021), nous n'en avons guère d'autres. En fait, l'observation d'Auguste Molinier qui signe [A. M.] est tout aussi importante que l'article lui-même.
Rappelons qu'Auguste Molinier (1851-1904) est un bibliothécaire et historien français, ancien élève de l’École des chartes, qui a fait partie de ceux qui ont supervisé l'édition Privat (à partir de 1872) notamment en ce qui concerne le moyen-âge. Il rédige à cette occasion de nombreuses notes au pied des pages. Ici, il émet une hypothèse qui parait fondée en évoquant les luttes intercommunales de l'époque dont on trouve quelques exemples ici et là dans l'histoire générale de Languedoc.
Il y a lieu de croire que Raimond-Trencavel, vicomte de Béziers et de Carcassonne, rompit de son côté la paix qu'il avait conclue avec Raimond, comte de Toulouse, son seigneur, pour se tourner du côté du roi d'Aragon, son ancien allié. Ce vicomte, après avoir servi en 1165 sous les enseignes de Raimond, durant la guerre des Génois contre les Pisans, étant de retour de cette expédition, permit avec Roger, son fils, au mois d'août de l'an 1166, de construire un château au lieu de Cambons, en Albigeois. Il tint un plaid à Albi, au mois de février de l'année suivante, la dixième de l'épiscopat de Guillaume, évêque de cette ville, et il condamna les clercs de Sainte-Martiane à donner, le jour de la fête de cette sainte, le repas ordinaire à ceux de Saint-Salvi. Enfin Raimond-Trencavel et son fils Roger engagèrent le dernier de juillet de la même année 1167, à Miron de Tonnens, pour la somme de onze milles sols melgoriens, dont cinquante valaient un marc d'argent, le château de Balaguer, dans le Toulousain, et tout le reste du pays de Cheircorb. Ce pays était composé de quatorze villages, entre autres de ceux de Chalabre et de Sainte-Colombe, et nous comprenons par là qu'il s'étendait dans la partie méridionale du diocèse moderne de Mirepoix.
Raimond-Trencavel ne survécut pas longtemps à cet engagement : Il mourut quelques mois après d'une mort funeste, dont un auteur contemporain rapporte les circonstances suivantes : « Trencavel, dit cet auteur, après avoir servi le roi d'Angleterre dans son expédition de Toulouse, était en paix lorsqu'il se présenta une occasion d'aller au secours de son neveu attaqué par ses ennemis. Il prit les devants avec une partie de ses troupes et donna ordre au reste de son armée de le suivre. Les villes de Béziers et de Carcassonne, qui lui étaient soumises, lui fournirent entre autres une nombreuse et vaillante jeunesse. Durant la marche, un bourgeois de Béziers prit querelle avec un chevalier et lui enleva un cheval de charge. Le chevalier, irrité de cette action et animé par tous les autres chevaliers, en porta ses plaintes à Trencavel et demanda qu'il lui fit faire réparation de l'injure. Le vicomte pour contenter les chevaliers, qui menaçaient de l'abandonner s'il ne rendait justice à leur collègue, leur livra le bourgeois et leur permit d'en disposer à leur volonté. Ils le punirent aussitôt d'une peine légère à la vérité, mais qui le déshonorait pour le reste de ses jours. Tous les bourgeois de Béziers conçurent un vif ressentiment de cette punition et résolurent d'en tirer vengeance. Dès que la campagne fut finie et que Trencavel fut de retour dans cette ville, ils le supplièrent instamment de leur faire justice et de réparer la honte qui rejaillissait sur tous leurs compatriotes. Le vicomte, qui était naturellement honnête et civil, leur répondit avec beaucoup de douceur qu'il prendrait là-dessus le conseil des principaux habitants et qu'il réparerait volontiers un certain jour qu'il leur marqua, ce que la nécessité où il s'était trouvé d'apaiser les chevaliers de son armée l'avait obligé de faire ; et ils parurent satisfaits de cette réponse. Le jour étant venu, le vicomte se rendit dans la cathédrale suivi de sa cour. Il y attendait avec l'évêque les principaux habitants, lorsque ceux-ci parurent armés de cuirasses et de poignards cachés sous leurs habits. Celui qui se prétendait offensé s'avança le premier et dit à Trencavel : Voici ce malheureux qui est ennuyé de vivre, parce qu'il ne peut le faire qu'avec honte ; dites-nous maintenant, mon seigneur, s'il vous plait, si vous voulez réparer le mal qu'on m'a fait. Le vicomte répondit fort honnêtement et plus même que sa dignité ne le demandait : Je suis prêt de m'en tenir là-dessus au conseil des seigneurs quui sont ici présents et à l'arbitrage des citoyens, ainsi que je l'ai déjà promis. Vous diriez fort bien, répliqua l'offensé, si notre honte pouvait recevoir quelque réparation ; mais comme cela est impossible, elle ne peut être lavée que dans votre sang. Aussitôt les conjurés tirent leurs armes de dessous leurs habits, se jettent avec fureur sur leur seigneur, quelque effort que fit l'évêque pour les empêcher, et l'assassinent cruellement devant l'autel avec ses amis et ses barons[1]. » Tel est le récit de cet horrible attentat commis sur la personne de Raimond-Trancavel, vicomte de Béziers, de Carcassonne, de Razès et d'Albi, par ses propres sujets. On peut ajouter quelques circonstances omises par l'historien.
 
La cathédrale Sainte Cécile a été inscrite au patrimoine mondial de l'humanité le 31 juillet 2010
Autres sites du même auteur : Le Canal du Midi, Louisa Paulin poétesse occitane
et le Blog du Canal du Midi