Histoire   Géographie   Hauts lieux   Personnages   Galeries Photo   Bastides   Infos   Plan du site 

Mort tragique de Raimond Trencavel

Carte ancienne du Pays d'Albi et partie du Diocèse de Castres Cordes, Albi, Réalmont, Castres
Carte ancienne De Pampelone à Saint-Amans Valtoret

Raimond Trencavel est assassiné dans l'église de la Magdeleine de Béziers

14 Octobre 1167

Où l'on voit qu'à l'époque, ça ne rigolait pas avec l'honneur ! Mais en fait, il faut certainement réfléchir un peu plus et se demander pourquoi ? Dom Vaissete nous raconte l'histoire de cet assassinat avec toutes les informations dont il peut disposer, et il faut dire qu'aujourd'hui encore (en 2021), nous n'en avons guère d'autres. En fait, l'observation d'Auguste Molinier qui signe [A. M.] est tout aussi importante que l'article lui-même.
Rappelons qu'Auguste Molinier (1851-1904) est un bibliothécaire et historien français, ancien élève de l’École des chartes, qui a fait partie de ceux qui ont supervisé l'édition Privat (à partir de 1872) notamment en ce qui concerne le moyen-âge. Il rédige à cette occasion de nombreuses notes au pied des pages. Ici, il émet une hypothèse qui parait fondée en évoquant les luttes intercommunales de l'époque dont on trouve quelques exemples ici et là dans l'histoire générale de Languedoc.


Il y a lieu de croire que Raimond-Trencavel, vicomte de Béziers et de Carcassonne, rompit de son côté la paix qu'il avait conclue avec Raimond, comte de Toulouse, son seigneur, pour se tourner du côté du roi d'Aragon, son ancien allié. Ce vicomte, après avoir servi en 1165 sous les enseignes de Raimond, durant la guerre des Génois contre les Pisans, étant de retour de cette expédition, permit avec Roger, son fils, au mois d'août de l'an 1166, de construire un château au lieu de Cambons, en Albigeois. Il tint un plaid à Albi, au mois de février de l'année suivante, la dixième de l'épiscopat de Guillaume, évêque de cette ville, et il condamna les clercs de Sainte-Martiane à donner, le jour de la fête de cette sainte, le repas ordinaire à ceux de Saint-Salvi. Enfin Raimond-Trencavel et son fils Roger engagèrent le dernier de juillet de la même année 1167, à Miron de Tonnens, pour la somme de onze milles sols melgoriens, dont cinquante valaient un marc d'argent, le château de Balaguer, dans le Toulousain, et tout le reste du pays de Cheircorb. Ce pays était composé de quatorze villages, entre autres de ceux de Chalabre et de Sainte-Colombe, et nous comprenons par là qu'il s'étendait dans la partie méridionale du diocèse moderne de Mirepoix.

Raimond-Trencavel ne survécut pas longtemps à cet engagement : Il mourut quelques mois après d'une mort funeste, dont un auteur contemporain rapporte les circonstances suivantes : « Trencavel, dit cet auteur, après avoir servi le roi d'Angleterre dans son expédition de Toulouse, était en paix lorsqu'il se présenta une occasion d'aller au secours de son neveu attaqué par ses ennemis. Il prit les devants avec une partie de ses troupes et donna ordre au reste de son armée de le suivre. Les villes de Béziers et de Carcassonne, qui lui étaient soumises, lui fournirent entre autres une nombreuse et vaillante jeunesse. Durant la marche, un bourgeois de Béziers prit querelle avec un chevalier et lui enleva un cheval de charge. Le chevalier, irrité de cette action et animé par tous les autres chevaliers, en porta ses plaintes à Trencavel et demanda qu'il lui fit faire réparation de l'injure. Le vicomte pour contenter les chevaliers, qui menaçaient de l'abandonner s'il ne rendait justice à leur collègue, leur livra le bourgeois et leur permit d'en disposer à leur volonté. Ils le punirent aussitôt d'une peine légère à la vérité, mais qui le déshonorait pour le reste de ses jours. Tous les bourgeois de Béziers conçurent un vif ressentiment de cette punition et résolurent d'en tirer vengeance. Dès que la campagne fut finie et que Trencavel fut de retour dans cette ville, ils le supplièrent instamment de leur faire justice et de réparer la honte qui rejaillissait sur tous leurs compatriotes. Le vicomte, qui était naturellement honnête et civil, leur répondit avec beaucoup de douceur qu'il prendrait là-dessus le conseil des principaux habitants et qu'il réparerait volontiers un certain jour qu'il leur marqua, ce que la nécessité où il s'était trouvé d'apaiser les chevaliers de son armée l'avait obligé de faire ; et ils parurent satisfaits de cette réponse. Le jour étant venu, le vicomte se rendit dans la cathédrale suivi de sa cour. Il y attendait avec l'évêque les principaux habitants, lorsque ceux-ci parurent armés de cuirasses et de poignards cachés sous leurs habits. Celui qui se prétendait offensé s'avança le premier et dit à Trencavel : Voici ce malheureux qui est ennuyé de vivre, parce qu'il ne peut le faire qu'avec honte ; dites-nous maintenant, mon seigneur, s'il vous plait, si vous voulez réparer le mal qu'on m'a fait. Le vicomte répondit fort honnêtement et plus même que sa dignité ne le demandait : Je suis prêt de m'en tenir là-dessus au conseil des seigneurs quui sont ici présents et à l'arbitrage des citoyens, ainsi que je l'ai déjà promis. Vous diriez fort bien, répliqua l'offensé, si notre honte pouvait recevoir quelque réparation ; mais comme cela est impossible, elle ne peut être lavée que dans votre sang. Aussitôt les conjurés tirent leurs armes de dessous leurs habits, se jettent avec fureur sur leur seigneur, quelque effort que fit l'évêque pour les empêcher, et l'assassinent cruellement devant l'autel avec ses amis et ses barons[1]. » Tel est le récit de cet horrible attentat commis sur la personne de Raimond-Trancavel, vicomte de Béziers, de Carcassonne, de Razès et d'Albi, par ses propres sujets. On peut ajouter quelques circonstances omises par l'historien.

  • Nous apprenons de divers monuments l'époque certaine de cet assassinat. Trencavel, dit une ancienne chronique de Nimes, fut tué un dimanche de l'an 1167, dans l'église de la Magdeleine de Béziers. On lit les paroles suivantes dans un ancien nécrologe de l'église de Carcassonne : le 14 d'octobre de l'an 1167, le martyre de Trencavel, vicomte de Béziers, et de ses compagnons dans l'égilse de Sainte-Marie-Magdeleine de Béziers. Ainsi ce vicomte fut tué dans l'église de la Magdeleine de cette ville et non pas dans la cathédrale, comme l'a avancé l'auteur de qui nous tenons le détail de sa mort. Quant au jour, il est certain que ce fut le 15 d'octobre et non pas le 14, ainsi qu'il est dit dans le nécrologe de Carcassonne, car la mort de ce vicomte est marquée le 15 d'octobre dans celui de Cassan, au diocèse de Béziers, et cela convient très bien avec la chronique de Nimes où il est rapporté qu'il fut tué un dimanche Il s'en suit de là qu'on doit rejeter le témoignage d'un autre historien, quoique contemporain, qui assure que Trencavel fut assassiné un dimanche de carême. Du rest, cet auteur confirme que l'attentat fut commis dans l'église de la Magdeleine de Béziers, en présence de Bernard, évêque de cette ville, et que le vicomte y périt avec plusieurs autres. Il ajoute que les bourgeois de Béziers avaient fait serment au comte de Toulouse de se saisir de Trencavel et de le lui remettre parce qu'il les opprimait ; mais que ce comte, dans son traité avec eux, n'avait nullement fait mention de le faire mourir : circonstance qui prouve que Raimond, comte de Toulouse, et ce vicomte étaient alors ennemis, à cause sans doute que ce dernier s'était déclaré en faveur du roi d'Aragon durant la guerre de Provence. Enfin on doit aussi rejeter le témoignage de Catel qui dit : que Trencavel fut tué le jour de la Magdeleine ; on a, en effet, une charte de ce vicomte datée du dernier de juillet de l'an 1167.
  • Suivant un historien du treizième siècle, les habitants de Béziers cassèrent les dents à l'évêque dans cette occasion, parce qu'il voulut les empêcher de se jeter sur le vicomte.
  • On ne dit pas le nom du neveu de Trencavel en faveur duquel ce vicomte avait entrepris l'expédition qui donna occasion à sa mort. Il avait alors deux neveux qui pouvaient l'avoir appelé à leur secours, savoir : Bernard-Aton, vicomte de Nimes et d'Agde, fils de son frère Bernard-Aton, et gérard ou Guinard, comte de Roussillon, fils de sa sœur Ermengarde. Ce dernier implora peut-être sa protection contre les enfants que Gausfred, son père, avait eus d'un mariage illégitime, et qui lui disputèrent la succession ; mais il est plus vraisemblable que Trencavel fut joindre, en 1167, avec ses troupes Bernard-Aton, vicomte de Nimes, qui s'était engagé sans doute dans la guerre de Provence en faveur du roi d'Aragon contre le comte de Toulouse.
  • Enfin un auteur du temps assure qu'un jeune fils de Trencavel, dont il ne dit pas le nom, fut assassiné avec lui.
[1] Le récit de Guillaume de Neubrige, historien contemporain, il est vrai, mais éloigné du théâtre des évènements, présente certains faits peu explicables. On ne comprend pas trop l'animosité des bourgeois contre le vicomte pour une affaire aussi légère, et il est probable qu'il faut donner à cet assassinat une cause beaucoup plus importante. Nous sommes sans doute là en présence d'un épisode des luttes communales qui ensanglantèrent la plupart des villes du Languedoc au douzième siècle. Voir notamment plus bas ce que rapporte dom Vaissete d'après Geoffroy de vigeois. [A.M.]


 

Haut de Page
Menu

Aller et venir dans l'histoire

 

La cathédrale Sainte Cécile a été inscrite au patrimoine mondial de l'humanité le 31 juillet 2010

Autres sites du même auteur : Le Canal du Midi, Louisa Paulin poétesse occitane

et le Blog du Canal du Midi

Valid XHTML 1.0! Valid CSS!