Carcassonne et Albi se soumettent au Roi

Louis, de concert avec le cardinal légat, donna cependant commission à Pierre Amelii, archevêque de Narbonne, de parcourir la Province pour engager les peuples à se soumettre à son obéissance et aux ordres de l'Église. Ce prélat s'employa avec succès à cette commission et persuada à la plupart des seigneurs et des villes depuis le Rhône jusqu'aux environs de Toulouse, de se lier par serment envers le roi et l'Église, et d'envoyer des députés à Avignon pour donner à ce prince et au légat des marques de leur soumission.

Entre ces villes, celle de Carcassonne fut une des premières. Ses habitants chargèrent leurs députés d'une lettre qu'ils envoyèrent au roi, le 16 de juin, dans laquelle ils lui mandent qu'ils s'étaient rendus aux exhortations de l'abbé de la Grasse, qui les avait pressés de lui témoigner la fidélité qu'ils lui devaient et de rentrer dans l'unité de l'Église, malgré les sollicitations du comte de Foix, qui était dans le château avec une nombreuse garnison et qui les animait par sa présence à se défendre en cas d'attaque. Ils envoyèrent en même temps au roi, avec les clefs de leur ville, une copie du serment qu'ils avaient prêté à cet abbé, suivant lequel ils promettaient de lui livrer leur ville et le château à la première réquisition qu'il en ferait, pour les recevoir au nom de ce prince et du cardinal légat. Les habitants d'Albi firent une semblable députation au camp d'Avignon, et le roi leur écrivit qu'il les prenait sous sa protection et qu'il leur envoyait leur évêque, deux ecclésiastiques et Pierre Mir, chevalier, pour recevoir leur serment de fidélité.

Divers princes et seigneurs allèrent trouver Louis VIII au siège d'Avignon, soit pour l'aider dans cette expédition, soit pour se soumettre à ses ordres. De ce nombre fut Raimond-Bérenger, comte et marquis de Provence, comte de Forcalquier, qui lui fit serment « de l'aider, lui et les siens, suivant son pouvoir, dans la portion de la Provence située aux environs du Rhône, contre Raimond, dit comte de Toulouse, et ses fauteurs, avec promesse de garder et de faire garder tout le pays que le roi possédera au voisinage de ce fleuve, sauf son honneur et la fidélité et le respect qu'il devait à l'empereur. » Louis promit de son côté à Raimond-Bérenger de ne faire ni paix ni trêve avec Raimond, fils de Raimond, autrefois comte de Toulouse, sans qu'il y fût compris. Gui, seigneur de Tournon sur le Rhône, Rostaing de Sabran, seigneur de Bagnols, au diocèse d'Uzès, et Raimond-Gaucelin, seigneur de Lunel, s'étant rendus au camp d'Avignon, firent hommage lige au roi, au mois de juin, de tous leurs domaines ; et Bernard Pelet, coseigneur d'Alais, ne pouvant à cause de ses infirmités faire le voyage, envoya Bernard, son fils, qui fit le même hommage. Enfin Héracle, seigneur de Montlaur, dans le Vivarais, rendit alors hommage à Louis VIII pour les châteaux d'Aubenas, de Saint-Laurent et de Wissel, qu'il tenait auparavant du comte de Toulouse. Le roi, après avoir reçu ces soumissions, détacha divers corps de troupes, par l'avis de son conseil, pour prendre possession en son nom de toutes les places qui lui avaient envoyé des députés, entre autres de Saint-Gilles, Marseille, Beaucaire, Narbonne, Termes, Carcassonne, Arles, Tarascon et Orange.

Nous avons des lettres de ce prince, datées du siège d'Avignon, au mois de juillet de l'an 1226, suivant lesquelles, reconnaissant que l'abbaye de La Grasse avait été fondée et dotée par les rois, ses prédécesseurs, et voulant récompenser les soins que Benoît , qui en était abbé, s'était donnés pour lui soumettre les villes de Carcassonne et de Béziers, et quelques châteaux du pays, il restitue à ce monastère tous les fiefs qui en dépendaient et qu'Amauri, comte de Montfort et autrefois vicomte de Béziers et de Carcassonne, et ses chevaliers avaient possédés ; il lui donne le droit de confiscation pour crime d'hérésie dans tous les domaines et fiefs de l'abbaye et plusieurs autres privilèges. Benoit, abbé de La Grasse, était de la maison d'Alignan, au diocèse de Béziers ; il succéda, en 1249, à Pierre de Montlaur, dans l'évêché de Marseille, qu'il posséda jusqu'après l'an 1163. Pendant son épiscopat, il fit deux fois le voyage de la Terre-Sainte et composa un commentaire sur le titre des décrétales de la sainte Trinité et de la foi catholique pour réfuter les erreurs de son temps. Il dédia cet ouvrage au pape Alexandre IV, et mourut en 1268, après avoir embrassé peu de temps auparavant l'institut des frères mineurs.