Le Général Mommole ravage l'Albigeois

Celui-ci, après avoir assuré le Limousin au roi Childebert, voulant profiter de sa victoire, s'avança vers l'Albigeois, dans le dessein de le reprendre. Il ravagea tout ce pays et y fit un grand nombre de prisonniers, surtout de la ville d'Albi, ce qui nous donne lieu de croire qu'il prit cette ville. Ce général voyant cependant la saison déjà avancée, et sachant peut-être le prince Clovis en marche pour venir venger sur lui la défaite de Didier, prit le parti de se retirer et d'abandonner ce pays, content du butin qu'il y avait fait et du grand nombre de prisonniers qu'il emmenait avec lui. Salvi, alors évêque d'Albi, ne put voir le triste sort de tant de malheureux sans en être vivement touché. L'amour qu'il avait pour tous ses diocésains et son ardente charité l'engagèrent à aller trouver incontinent Mommole pour solliciter auprès de lui la délivrance de ces prisonniers. Il la demanda avec tant d'instance et d'empressement, que ce général et les autres officiers du roi Gontran, vaincus par l'ardeur de son zèle, lui accordèrent sa demande et, après lui avoir rendu tous les honneurs dus à son caractère et à son mérite personnel, lui firent même des remises considérables sur les rançons qu'il offrait de payer. Salvi ramena ensuite comme en triomphe tous ces prisonniers dans sa ville épiscopale, et Mommole, après leur avoir donné la liberté, prit la route de l'Auvergne, d'où il se rendit ensuite en Bourgogne. On voit par là que l'Albigeois, de même que la plupart des pays de l'Aquitaine austrasienne dont Chilpéric s'était emparé depuis la mort de Sigebert, demeurèrent au pouvoir de ce prince, sans que Gontran pût l'engager à les rendre au roi Childebert, leur neveu.

Gontran, touché de l'injustice de Chilpéric envers ce jeune prince et se voyant d'ailleurs sans successeurs légitimes, par la perte qu'il venait de faire de ses enfants mâles, l'adopta alors en quelque manière et s'unit plus fortement avec lui. Il eut ensuite recours à la voie de la négociation pour engager Chilpéric à restituer à ce roi la partie de l'Aquitaine austrasienne dont il s'était emparé. Il lui envoya des ambassadeurs conjointement avec Childebert pour le sommer de faire cette restitution ou lui déclarer la guerre en cas de refus ; mais Chilpéric, étalement insensible et à leurs prières et à leurs menaces, parce qu'il voyait ces princes hors d'état de rien entreprendre, profita de leur faiblesse et continua son usurpation ; en sorte qu'il était encore maître de l'Albigeois l'an 580, comme il paraît par les actes du concile tenu à Braine, où saint Salvi, évêque d'Albi, assista avec les autres évêques de la domination de ce roi.